La lettre du vigneron 2025

La lettre du vigneron 2025

Tout d’abord la famille Mestdagh et toute l’équipe du Domaine vous souhaitent une très belle et heureuse année 2025 !

2025 sera, dans notre cher Pays d’Aix, « l’année Cézanne », dont notre association des Vignerons de la Sainte-Victoire sera d’ailleurs partenaire, aussi commençons par une citation du célèbre peintre :
« Voir c’est concevoir, et concevoir c’est composer ».
2024, il fallait le voir pour le croire, fut une année climatique extrême. Ce n’est pas évident au premier regard : température moyenne… dans la moyenne de ces 5 dernières années, pas de pic de chaleur notable (excepté un petit épisode usuel mi-août), une pluviométrie à peine supérieure à la moyenne (600 mm d’eau sur l’année alors qu’à quelques kilomètres d’autres secteurs dépassaient allègrement les 1000 mm !). Mais voilà, il y a eu les 4 fatales nuits de gel entre le 19 et le 23 avril, sur quasiment toute la zone Sainte-Victoire, rappelant aux anciens le millésime 1991. Comme cette année-là, l’épisode était violent mais surtout tardif. Après un nouvel hiver trop doux, et pour une fois un peu moins sec, la vigne avait débourré depuis longtemps sur certains cépages, et vigoureusement. Les bourgeons, souvent déjà de véritables pampres, étaient à un stade de sensibilité décuplé. « Oui mais en 1991, il y avait quand même des parcelles qui avaient été épargnées » se souvient mon père qui en avait vu d’autres, mais avait failli changer de métier cette année-là devant l’ampleur de la catastrophe. En 2024 le gel a frappé dans tous les quartiers, y compris les plus ventés, les coteaux les moins « à risque », parfois plus violent en bord de colline, alors qu’habituellement les arbres tempèrent et protègent… Il n’y avait pas de règle, et ce n’était que le début d’un millésime bien déréglé.

Il fallait déjà concevoir les choses différemment. Nous avions bien adapté notre stratégie de taille sur les cépages les plus gélifs, déjà frappés les années précédentes, mais ça n’avait pas suffi. Il fallait donc adopter une nouvelle pratique d’ébourgeonnage, faisant justement appel à des concepts de taille, pour aider la vigne à repartir, et si ce n’est sauver la récolte, au moins pérenniser la plante.
Si nous avons été nombreux à subir cet épisode de gel, le Domaine s’est singularisé par un rare orage de grêle qui n’a touché que notre plateau du Cengle, le 02 juin. Là aussi la violence du climat a été peu commune. Nous étions en pleine journée portes-ouvertes quand les grêlons se sont abattus pendant près d’une heure, déchiquetant les feuilles, arrachant les jeunes grappes, jusqu’à briser parfois les sarments. Ironie du sort, les parcelles les plus abîmées furent nos massales chéries de blanc, viognier et vermentino surplombant le vallon de l’Héritier. Là-aussi il fallait le voir pour le croire, et il allait falloir concevoir d’autres approches techniques pour rétablir le vignoble.

A ce stade, il était acquis que nous ne pourrions pas faire les vins comme d’habitude. Au-delà des adaptations au vignoble, il fallait concevoir autrement la récolte et les vinifications, pour composer avec ce millésime. Pour garder l’esprit de certaines cuvées il faudrait en sacrifier d’autres, pour tenir la note des équilibres qui caractérisent les Masques il fallait composer des assemblages nouveaux. Assemblage parfois dès la récolte ou le pressoir, faisant exception à notre philosophie de vinification parcellaires, travail de vignes « à rosé » en blanc – les fameux Blancs de Noirs – et de vignes « à rouge » en rosé, choix d’élevage différents… Concevoir d’autres chemins pour composer différemment des vins restant fidèles à l’esprit des Masques et à son terroir unique.

Excepté sur les rosés et sur l’Emotion blanc que vous pourrez découvrir dès les premiers salons, il faudra attendre un peu voire beaucoup pour juger de l’impact de ce millésime sur nos cuvées. Progressivement, nous laissons plus de temps aux vins pour s’élever, se reposer et se révéler. Ainsi par exemple de l’Exception Syrah, rouge emblématique du Domaine, dont nous avons mis en bouteille le millésime 2022 la veille des vacances de Noël 2024 : une année complète en demi-muids, fûts et amphores, puis une année complète en cuve. Il attendra encore près d’un an en bouteille avant d’être commercialisé. De même, pour la première fois nous allons appliquer le « tempo » Collection à l’Exception Chardonnay, dont le millésime 2023 sera mis en bouteille fin avril 2025. Fidèles ainsi à d’autres mots de Cézanne : « Moi, je procède très lentement. La nature s’offre à moi si complexe ».

Un dernier mot sur ce millésime 2024 : si ce n’était donc pas la grande année pour le raisin, c’était en revanche étonnamment une année favorable aux olives. La récolte fut belle et nous sommes ravis de la pointe d’ardence supplémentaire, de la fraîcheur de fruit et de la complexité de notre huile ! Nous vous encourageons vivement à découvrir cette autre facette, plus méconnue, de notre terroir.

Enfin en 2024 nous avons recomposé notre équipe, à côté des aléas climatiques il y a les aléas du destin, et nous nous élançons en 2025 avec un groupe plus passionné que jamais ! Léa est arrivée au commerce en avril, épaulée depuis septembre par Ninon dans les ventes directes, Jérémy a pris les rênes des tracteurs en août, et Marie me seconde à la technique depuis décembre. Sophie notre pilier étant fidèle au poste, nous voilà enfin au complet pour continuer à vous offrir toujours plus d’émotions en bouteille !

Dans un contexte toujours plus difficile pour le marché du vin en particulier et la consommation en général, notre engagement répond à la fidélité des amoureux du vin. C’est pourquoi nous tenons à vous remercier, vous, nos clients, de continuer à suivre le Domaine et à faire grandir sa notoriété. De plus en plus de journalistes également y concourent, c’est le fruit de notre travail mais aussi de tous les professionnels qui nous diffusent. Nous remercions aussi au passage les dégustateurs du Guide indépendant La Tulipe rouge qui nous ont fait l’honneur de nous placer dans leurs deux coups de cœur provençaux de l’année, écrivant notamment « Le couple Mestdagh a réussi le pari de hisser ce domaine parmi les références de la Provence (…) avec, bien entendu, des syrahs de premier ordre, mais aussi et surtout du Pinot Noir, du Chardonnay, du Viognier à faire pâlir les spécialistes du genre ! »

Au plaisir de vous retrouver autour d’une dégustation.
Sincèrement
Yannick.